UN DINER PRESQUE PARFAIT A LUXEMBOURG ! V
Vendredi, Charles, organisateur d'événements, cuisine découverte, sobre, fantaisiste et classe, à son image, non, non, c'est lui qui le dit, je ne déconne pas, c'est un Buster Keaton moderne.
D'entrée, paf, coming'out. C'est fait. On avait deviné, mais c'est sa vie. C'est bien d'en parler librement. Cuisine fonctionnelle, grand plant de travail, esthétique en plus.
Les courses à pieds. Je note qu'il n'avait pas pris de sac, oh c'est pas écolo, et qu'il se sert de celui pris chez l'épicier, qui disparait ensuite, d'ailleurs je me demande comment il fait, après être passé chez la fleuriste, pour ne pas abimer les fleurs.
Décoration de table. Nappe taupe luxembourgeoise, set en ardoise. Deux contenants carrés avec des avalanches. Verre 'aquarium' mal placé. Assiette à pain en ardoise, avec petit couteau, à gauche ; excellent. Photophore avec le prénom de l'invité. Simple et classe mais il manque un rappel floral, genre lierre ou feuillage, à mon avis. Rond de serviette, en aspidistra avec une fleur d'arum.
On voit qu'il a l'habitude de cuisiner. Tiens, il a une chatte, et ce n'est pas sa fille.
Caroline, avec une bouteille de vin, modération, les cheveux défaits, chapeautée. Rosine, chemisier chiné et grand boa rouge qui laisse entrevoir des bouts d'épaules dénudées. Manuela aussi, tenue sombre, emmaillotée jusqu'au cou. David, lunettes, cravate es guignolo, on dirait un truc de farces et attrapes avec l'élastique, le petit sac en bandoulière accentue un peu l'ensemble comique.
Oh putain, exit le boa. Maman, hou, hou, Rosine! Quel collier, quel collier, dommage ces deux petites bretelle noires qui gâchent la courbure des épaules. Oh putain, c'est une première dans un dîner, la table de Charles aura, sans doute, la meilleure décoration. Et cette perle, avez vous vu cette perle qui se dandine de droite à gauche comme une boule de flipper qui cherche son chemin pour aller se nicher dans son trou protecteur et marquer des points ? Oui Rosine, soit ma machine, je serais ton flipper, oui je te ferais des tilts pour une game over et recommencer une nouvelle partie avec des bonus et des coups de flipper sur les côtés pour faire remonter la boule et toucher les cibles et que mes mains vont taper sur la carrosserie, maman, la calandre, pour empêcher la boule de faiblir en rebondissant toujours plus haut vers des sommets où les lumières clignotent et où les bruits deviennent inaudibles tellement les secousses les magnifient, oui, oui. Qu'est-ce ? C'est ma banane, qu'est-ce qu'elle a ma banane ? Un petit coup de blues, une petite crise de jalousie ?
Apéritif. Champagne et sirop de cassis pour la voix off et hibiscus pour David. Je pense que la voix off est dans les choux. La palette du peintre. David voit des légumes colorés les uns plus que les autres. Très belle explication un peu comme la boîte de la vache qui rit. Par où faut-il commencer à regarder les légumes? En effet s'ils sont colorés de plus en plus il doit y en avoir un premier, pas trop coloré pour indiquer une progression, alors il doit y avoir un sens. On en revient à l'histoire de l'œuf et de la poule, donc les premiers sont blancs et les derniers représentent une masse informe de couleurs et lorsqu'on sait qu'un mélange de couleurs devient blanc, les derniers sont donc blancs, donc il n'y a plus de progression, donc c'est impossible. Donc on ne peut pas dire qu'ils vont être de plus en plus colorés. Et comme il n'y a pas de sens pour regarder, puisqu'on n'est jamais sûr de regarder quelque chose d'après le même angle, une palette colorée sera nécessairement blanche !
Donc une palette avec des tubes tomate basilic, crème de poulet aux herbes, crème au chèvre.
Putain, on ne voit plus le chapeau de Caro, les cheveux de Manuela, j'ai même l'impression que son chemisier descend. Et cette perle qui m'obsède comme le pendule de Foucauld, voulez vous gagner des millions, mais je m'en fous, putain c'est un abysse, un gouffre dans lequel ma banane pourrait se perdre. Et quand elle presse le tube pour en faire sortir l'amuse-gueule et l'étaler sur son bout de pain et ensuite le porter à sa bouche, puis fermer les yeux pour profiter du parfum que sa langue à peine sortie de ses lèvres entrouvertes va gober pour en savourer la texture et en extraire l'arôme et ensuite donner son plus beau sourire en susurrant qu'elle a aimé, tout en tripotant nonchalamment de ses doigts agiles et souples ce petit morceau de gressini tout raidi qui se demande ce qu'il lui arrive, est totalement insupportable pour ma banane qui plonge sa tête dans la malaga en une apnée suicidaire. Je la suis à la trace en regardant les boules d'air qui remontent à la surface après avoir traversé le chocolat tiédi et avoir dressé de petits volcans dans la chantilly qui éclatent à la surface en laissant s'échapper des filets de glace crémeuse. Et lorsqu'elle extrait des bâtonnets de carottes pour les enrober de sauce et les porter à sa bouche, c'est ma banane qui explose et le flipper qui fait tilt.
Atelier peinture. Merde, un tablier pour tous.
"Le but du jeu c'est que vous peindiez votre moment favori de la semaine." C'est ce soir, c'est ce soir ! Bon, le côté artistique n'est pas son bon côté, mais on s'en fout. Je parlais de Rosine bien évidemment.
Entrée. Un nuage entre terre et mer. Une soupe à la roquette, dés de saumon frit, tomates, sur glace carbonique. Olala, Caroline va être, encore une fois, bluffée. Non, je ne compte plus.
Je signale quand même qu'on peut aimer les animaux sans être obligé de les idolâtrer, de les appeler comme son cousin ou sa tante, sans forcement manger dans leur gamelle, sans partager le même lit et sans les laisser pisser dans les bacs à sable des enfants de la voisine.
Très bonne idée et super présentation. Et c'est Rosine qui attendait que Charles nous en mette plein les mirettes et comme elle dit " Pour l'instant, c'est bien parti! "
Bob, Rosine, il vaut mieux arrêter maintenant avec les tomates, je crois que ma banane va se noyer. "J'ai une grande langue, mais j'ai une petite bouche." Oh putain, SOS, je ne vois plus de bulles. Vite un bouche à bouche.
Plat principal. Le mulard balsamique paré de sa cour du potager. Magret de canard, agar agar petits pois et carottes. Présentation toujours aussi soignée.
Pour Rosine le canard était trop cuit et elle trouve que l'hôte " A chié dans la colle! " curieuse expression pour un si beau collier, mais n'y aurait-il pas quelques excuses sans modération?
"Si le canard aurait été rosé", ça saurait été bien plus mieux sans doute. Ou c'est un problème d'apéritif pour Manuela, comme pour Rosine, ou alors les luxembourgeois causent drôlement.
Dessert. L'invraisemblable duo de noix. Glace noix de macadamia, cannelloni à la fraise. Barbe à papa.
Et lorsque Rosine avoue qu'il ne manquait plus que les sucettes, je suis au paradis. Et l'autre qui ne veut plus sortir la tête du chocolat. Putain, c'est mieux avec les bretelles abaissées, whou, whou....et lorsque quelques larmes viennent humidifier ses yeux je sens que ma banane va me remonter les miennes. Elle pleure, merde et elle n'a pas de chemisier blanc, il serait devenu transparent et .......tilt, tilt ! Encore !
Les notes. 25 pour caroline. 24 pour rosine. 23 pour manuela. 22 pour david.
A mon avis le meilleur repas, il méritait de gagner. D'ailleurs, en regardant les notes on voit que c'est lui qui a donné la victoire à Rosine. Il lui avait donné 27 points alors que cette dernière ne lui en a attribué que 24.
C'est donc Rosine qui y va encore de sa larme après avoir été déclarée première.
Alors, heureuse ?
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