L’ABSENCE !
Quatre ans et demi. Je vous l’ai dit, lorsqu’il partit, en février, de ce qu’on appelait une longue maladie. Il était jeune ; trente deux ans ! Il parait qu’on s’en va plus vite, lorsque la vie n’a pas encore fait son nid. La science avait raison, même si elle n’y pouvait rien.
Pour un enfant, la disparition n’a pas la même signification que pour un adulte. Les grands appellent ça la mort. Cela ne veut rien dire pour un enfant qui ne sait pas encore ce que vivre veut dire. Il était parti, comme on m’avait dit.
Un instant d’inattention des adultes, et je le vis, allongé sur ce lit qui me semblait gigantesque. Il ne bougeait pas, il dormait, comme l’après midi quand nous devions jouer ailleurs.
Dans la cuisine, ma mère pleurait, des parents étaient là, on me caressait la tête, je ne trouvais plus mes jouets.
Je ne l’ai plus revu, allongé dans ce lit, je ne l’ai plus jamais entendu nous appeler mon frère et moi. Ma mère était devenue plus triste, elle s’habillait de noir. Je parti chez une grand-mère et mon frère chez celle que je n’aimais pas.
Je ne savais pas que c’était dans ce passé, que je construisais ce futur qui est mon présent.
Il s’effaça de ma mémoire où restaient, incrustés, les morceaux du puzzle des lambeaux de mes souvenirs. Son manque assécha mon adolescence, je ne m’aperçus de son absence, que plus tard, lorsque mes copains appelaient leur papa.
Papa, quel mot étrange pour un enfant qui n’en a pas, quels maux horribles pour celui qui ne sait pas !