UN DINER PRESQUE PARFAIT A ROUEN ! V
Rouen, belle ville jumelée avec Domremy. En flânant dans les jardins qui entourent le donjon du château Philippe Auguste, maintenant appelé tour Jeanne d ‘Arc, abritée par des massifs d’hortensia , on peut apercevoir cette inscription, sur une plaque de bois presque mangée par une rouille centenaire, cette épitaphe authentique, en parti maculée par des tags post modernes iconoclastes qui viennent souiller ce témoignage séculaire, relique souvenir de générations ancestrales ; ‘la téléphonie mobile reconnaissante’, et on peut encore discerner les initiales de la signature du poète écrivain de ce compliment éternel, un certain Fr. Tél… et quelques lettres disparues !
Vendredi, Mehdi, négociateur immobilier, et son menu ‘Tentations et gourmandises.
Il se veut épicurien. Je dirais plutôt hédoniste. Harmonie de l’existence et recherche de la sagesse, pour les disciples d’Épicure et recherche des plaisirs de l’existence pour ceux de l’hédonisme. En considérant, par exemple, que tout ce qui peut avoir des conséquences néfastes doit être évité pour les épicuriens.
Il aime bien parler de lui ; je, je, je ! Sommet de la blinguitude. Il aime les voitures, modèles réduits, bref tous les signes du paraître.
Là où il vit. Grande table, son séjour, son salon, couleurs sombres. Des peintures pour illustrer sa vie, avec des voitures, son bar. Une Miltonia spectabilis sur une sellette, à lui, la sienne.
Sa cuisine, qu’il a conçue avec son épouse, et qu’il a montée par lui-même, la cuisine, pas son épouse. C’est lui qui a placé les meubles et son piano, très beau ! Des casseroles en cuivre. Et visite de sa chambre avec ses cravates, ses montres, ses chaussures, ses fringues. Putain, pas ses slips.
Les courses, merde, cinq filets, monsieur voit grand !
Pour les morilles, monsieur est généreux !
A la lecture du menu, je note « Je l’attends au tournant ! » d’Aurélie, qui n’avait pas apprécié ses réactions chez elle. La vengeance est dans l’air !
Décoration de table. Nappe noire. Assiette de présentation et assiette à pain noire. Centre de table, qu’il a peut-être commandé, mais réalisé très certainement par un fleuriste, je mets mon dos à la disposition d’un tatoueur patenté si je me trompe. Arums jaunes travaillés pour arrondir les tiges, roses ilios, entourant un pneu de voiture, des podiums invisibles.
Couverts à dessert mal placés d’un côté. Classique. Serviette rouge. Chandelier.
Les porte-couteaux, voitures jaunes, dont il connait très bien la marque, ce qui a l’air de le mettre en transe, cassent le côté un peu classe de sa table. L’épicurien snobinard devient ploucard m’as-tu vu ! Dommage. La table était belle sans ce truc jaune qui aurait du rester dans la vitrine, surtout que le porte-couteau ne s’imposait pas !
Les invités arrivent ensemble, sauf Reynald légèrement en retard.
Apéritif. Shake, shake, shake et ses mises en bouche d’ici et d’ailleurs.
Foie gras maison qu’il a fait lui-même sur un toast de pain d’épice, camembert et miel, et saumon fumé en brochette. Chacun doit réaliser son cocktail.
Je note la diversité des appréciations d’Aurèlie pour qui, tout est toujours ‘sympa’ !
Pour Sophie euh, le fromageuh était très fort euh et pas mangeableuh.
Le saumon était bien présenté, mais elle n’aime pas le saumon. Quand au foie gras maison, il n’était pas assez assaisonné. C’est vrai qu’elle préfère la mousse de foie gras …en boîte ! Le tout assené avec un sourire les yeux dans le vide et une expression de profonde jovialité que l’on peut retrouver chez une des stars du muet, le célébrissime Buster Keaton.
Animation voiture. Encore. Ah non, frustré des grosses voitures, il s’éclate avec les petits bolides électriques. Chiant, nul, emmerdant, sans intérêt. Demain, chez les filles, on joue à la dinette !
Courses de tutures qui tournent sur un circuit miniature. Et c’est Sophie qui gagne, toujours avec le sourire. Putain, il y a du avoir un deuil dans sa famille ; la disparition de l’œuf hier ! Elle n’a pas du manger ce midi, elle n’a pas pu satisfaire un besoin pressant qui dérange son fondement, elle n’a pas trouvé de tena, son voisin a râlé parce que son siphon était précoce, elle est jalouse parce que les porte-couteaux de Mehdi sont plus beaux que les siens, elle a perdu son collier, elle voulait une voiture bleue, il n’y avait pas de vache en plastique sur le circuit, elle fait toujours cette tête.
Aurèlie, ne serre pas les dents quand tu parles ! Tiens sa robe est assortie à la table et au drapeau du jeu. Merde, Jérôme n’est pas grand. Merde, Reynald n’est pas rasé. Putain, c’est nul ! Sophie s’éclate comme un œuf qu’on mène à l’abattoir. Distribution de coupes pour immortaliser ces moments inoubliables. C’est exagéré, pour l’inénarrable comique de la troupe, de plus en plus rabat joie.
A table. On sent la jalousie chez Sophie à la vue de cette table qui est une réplique de la sienne, haut de gamme, pense-t-elle.
Entrée. Les demoiselles de Cancale. Des huitres gratinées au champagne. Les filles n’aiment pas. Alliance de circonstance.
A la va vite « pour palier à ce problème » snob, mais fâché avec le français, l’hôte prépare une assiette de remplacement. Ce qui n’empêche pas une Sophie très désagréable, de penser qu’il aurait du prévoir cette possibilité ! Putain, elle ne lâche rien ! Elle doit avoir des hémorroïdes. Elle fait le casting pour le repas chez le proctologue. Une visite gratuite, fabrication d’un boudin maison ; faut pas gâcher.
En plus, elles n’aiment pas le foie gras maison. Putain, mais elle va mordre, la Sophie.
Plat principal. Magret des bois et sa compotée d’agathas.
Filet de magret de canard, sauce aux morilles et compotée de pommes de terre aux olives.
« C’est copieux ! » Première grossièreté de la part des filles.
La fleur de physalis les intrigue, mais personne ne pose de question.
Mehdi a l’air abattu. Personne ne parle des morilles à la crème, à part Aurélie qui les trouve…sympa !
Pendant que l’hôte finalise son dessert, d’une politesse extrême qui frôle la muflerie, de la même manière que ceux qui sortent et laissent leurs amis pour aller griller une clope, Jérôme et Reynald laissent les filles pour aller faire joujou avec les voitures sur le circuit sans œuf.
Dessert. Parfum des îles à la normande. Ananas caramel au beurre salé raté. Un peu léger, mais belle assiette.
Les notes.20 pour Reynald. 18 pour Jérôme. 16 pour Aurélie qui a mis ses promesses à exécution. 15 pour Sophie, son 4 en décoration est très injuste et reflète sa jalousie latente.
Semaine sponsorisée par la crème de Normandie !
Merci aux voitures figurantes et paix à l’âme de l’œuf écrasé par une marche arrière intempestive, pauvre coquille sacrifiée pour un démarrage en côte raté.
Je n’oublie pas l’orgie ‘pommesque’ ni l’avalanche de peluches chinoises.
Reynald gagne cette semaine assez calme, son repas était de loin le plus élaboré.
Aurélie devrait faire attention à sa façon de parler, on dirait toujours qu’elle est sur le point de mordre. Jérôme gentil mais un peu mou, et Sophie devenue très, très désagréable. Mehdi a récolté ce qu’il avait semé durant la semaine. Il s’est donné du mal pour épater les convives, il sait cuisiner, hôte prévenant, il a été plus sympathique ce soir, mais trop tard !
J’ai même trouvé qu’il avait été sous noté, la coalition féminine, sans doute !
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