UN DINER PRESQUE PARFAIT A LYON ! II
Mardi : Julien, commercial.
Il nous reçoit chez son amie. Mais, putain, il a du faire au moins une dizaine de voyages pour amener tout son matériel. J’espère qu’il n’habite pas à cent kilomètres, comme l’excuse d’un autre candidat. Lampe, poterie, vase, instruments de cuisine etc.
Le salon est froid, murs vides, vases de bambous et des salix teintés, posés à la va vite pour meubler, couleurs glaciales.
La cuisine : « là où le nerf de la guerre va se passer ! » encore une phrase sibylline, mais je n’ai pas le décodeur.
Ô Cicéron, ô Rabelais, dormez en paix, vos citations sont passées à la postérité. Certes, pas en entier, mais l’intention y était ! Putain, c’était bien la peine de vous décarcasser, c’était bien la peine de nous filer des versions à traduire. Heureusement que notre livre de poche, ce magnifique Gaffiot, veillait sur nous, pour trouver des pages entières ! Putain, c’est une boutade, les latinistes apprécieront ! Félix, je t’ai aimé (message personnel !)
Le nerf de la guerre, ce n’est pas la cuisine. ‘Traduttore, traditore’, non, ça c’est pas du latin !
La cuisine, j’y reviens, est moderne, grand frigo, bien agencée, mais froide et dépouillée.
Un salut au sponsor de boucher.
De retour à la maison qui n’est pas la sienne. Putain l’ail et l’échalote. Quel dilemme ! Que dois-je faire pour peler les poivrons ? Les tremper dans l’eau froide ou les enfermer dans un sac en plastique et les laisser refroidir ? Dois-je peler les bananes ou manger la peau des ananas ?
Déco de table : nappe blanche, chaises vert amande, bougie centrale, centre de table marron, galets, perles, assiettes rectangulaires, verre à eau mal placé (le verre à eau est le plus à gauche), pas de fleurs, très simple.
Il reçoit ses invités : Ali avec une bouteille, est subjugué par la caméra, il ne regarde même pas Julien. Un peu comme les mecs qui remuent les bras dès qu’ils sentent que l’objectif des télés les regarde. Séverine lui serre la main. Magdeleine sans rien et Michèle avec une bouteille.
Apéritif : il sort son siphon et balance un peu d’espouma de mûre dans un verre de champagne, sauf pour Ali, cocktail de fruits.
« Je n’aime pas ce qui mousse ! » Magdeleine se découvre. Dommage, les cuillères posées sur la table, un plat était le bien venu. « C’est pas mon truc ! » Magdeleine est découverte !
Animation. En aveugle, retrouver le nom de pâtes en tâtant leur forme. Oui, mais des Panzani !
Amis de la culture, bonsoir. Je signale que ragoûtant signifie appétissant et agréable. N’est-ce pas Michèle ? Enfin, jeu simplississime qui n’intéresse personne.
Pendant qu’ils attendent l’entrée, Magdeleine, la décoratrice de casto, se lâche et casse ! La déco est trop chargée, trop de couleurs, manque d’harmonie ! Putain, avec ses nappes en papier, elle peut parler ; l’hôpital qui se fout de la charité ! Et en plus elle n’aime pas le fromage blanc ! On est seulement à l’entrée, putain !
Ensuite, elle se la joue œnologue, décoratrice en vin, c’est nouveau, en sentant, elle le trouve gras. Putain, il faut changer de métier, elle a plus de nez que de pif !
Plat principal : brochette du bush. Putain il est mort ! Non ? Un diner de cannibales. Ils vont le bouffer ! Non, je déconne, mais ils ne savent pas ce que c’est ! putain, le bush, la brousse, l'écozone Australasiene , les kangourous ! Heureusement que l’anglaise pense. Enfin, un kangourou c’est un gros lapin avec les mêmes oreilles, merde ! Mais c’est beaucoup plus gros qu’un chat !
Alors, poisson ou viande ? Merde regardez les couverts ! Il y a des couverts à poisson ? Non ! Alors ! Que des barbares !
Séquence émotion. Ali s’éclate. « Bravo, je n’ai qu’un seul mot, bravo. Kangourou, bravo, j’ai mis le kangourou dans mon cœur, bravo ! » Mais pas dans sa bouche. Et il ne mange pas ! Logique non ?
Dessert : le siphon aphone et mal gazé ayant roté depuis l’apéro, complètement dégonflé après avoir été réchauffé hors de sa mère frigo, râla et refusa de cracher sa crème non glacée hors de ses lèvres gercées. Bref, plus de crème chantilly. Un filet de crème tiède dégueulant de sa bouche déliquescente. C’était l’espouma caguée ! Le retour.
La trilogie conique aux fruits. Magdeleine décoratrice mais pas fufute, à part la trilogie au cinéma, ignorait ce que cela pouvait bien dire. Trilogie, mot barbare, putain, si les mecs y commencent à mettre des mots compliqués pour designer leurs plats, déjà avec bush, putain.
Que des intellectuels ! Le sel est toujours sur la table. Il amène les coupes à la main, merde une assiette à dessert dessous, c’était pas mieux ?
Magdeleine saque, 16 points « il manquait de couleur ! » pour justifier son 5 en déco. L’inverse de ce qu’elle disait en attendant l’entrée. Merde, elle doit décorer des boucheries où l’on vend du kangourou ! Attention, je n’ai rien contre les marsupiaux. Mais peut-être que ce n’est pas le truc de Magdeleine ?
Le plus surprenant, le 9 d’Ali en cuisine, bravo, bravo, que d’eau, bravo !
Enfin, la soirée est terminée, la copine peut revenir avec le reste de ses meubles. À mon avis, elle a eu peur de se faire piquer des trucs et elle a tout débarrassé !