OUF, J’AI DIT.

Avant, ils avaient des soutanes, je me rappelle avec émotion ces temps bénis (oui c’est vrai j’aurai pu ou du employer un autre mot, mais il ne faut pas être sectaire. Sectaire, décidément, comment vais-je m’en sortir ?) Ces temps heureux (oui, c’est mieux), parce que j’étais jeune et parce que toutes ces questions existentialistes ne venaient pas encore perturber ma façon d’appréhender la vie.

Le regard que je portais alors sur ces hommes habillés en femmes ne dépassait pas leur côté professoral. Ils étaient mes surveillants, mes maîtres, ceux qui me commandaient, et je ne voyais, pas encore, en eux, les endoctrineurs reptiliens qui allaient distiller leur venin ‘hypnotique’.

Avant, elles avaient des coiffes blanches aux ailes déployées, prêtes à quitter leur tête pour s’envoler vers ces cieux où habitait leur Dieu. Maintenant vous les croisez dans les rues, leurs doubles platoniques, aucuns signes prosélytes de leur appartenance à ce Jésus, gardien jaloux de leur virginité. Maintenant leur tenue anodine ne laisse en rien entrevoir qu’ils sont les concierges occasionnels de ces monuments usés par le temps, désertés, hantés par leur ultimes fidèles, seulement habités par quelques bigotes qui continuent désespérément d’agiter dans leurs mains tremblantes quelques médailles aux pouvoirs flétris.

Avant ils avaient quelque autorité sur cette jeunesse qui avait encore besoin de repaires, vestiges du souvenir des croyances de leurs pères. Maintenant, ils ont du s’adapter, ouvrir leurs sanctuaires aux aspirations modernes , les guitares ont réduit les harmoniums au rang d’antiquités, quelques laïques ont pris la place de séminaristes défaillants, des spots tentent de donner plus de clarté à ces dogmes d’un autre âge qui ont permis à l’homme d’avancer lorsqu’il était dans la pénombre mais qui sont devenus inutiles et obsolètes depuis que l’église ne s’est pas adaptée .

Refusant de voir que le monde avait changé, cramponnés sur les restes dénaturés de leur foi vieillissante, ils ne s’étaient pas aperçus, cloitrés dans leur orgueil aveugle, que ce monde avait évolué. Campés sur des positions archaïques, arc-boutés sur des considérations d’un autre âge, ils ne sont plus que les témoins impuissants de la montée inexorable d’autres croyances, d’autres aspirations. Eux qui étaient les témoins d’une nouvelle religion qui allait dominer le monde, ils sont maintenant les derniers rouages d’une machine qui refuse d’avancer, sclérosée par les séquelles d’une lente maladie qui les rend aveugles et insensibles aux aspirations de ce monde qui lui aussi, souffre d’être malmené.

Juste retour des choses ils vont être anéantis par ce syncrétisme qu’ils avaient accepté au titre de concession, pacte tacite de soumission. Les murs des églises et les symboles de cette nouvelle croyance qui élevait l’esclave au rang du maitre, ont dépouillés les temples des dieux vaincus qui les avaient précédés. Peut-être pour venger les martyrs de leur foi naissante, égorgés dans les arènes des peuples colonisés, ils ont eux aussi tué, pillé, asservi, pour imposer manu militari leur nouveau Dieu colonisateur et magnanime.  Asservissant les peuples vaincus, noyant leurs dieux battus sous les monuments au leur consacré, remplaçant leurs fêtes, leurs jours, leurs traditions, par les leurs, au nom du divin créateur, du père éternel qui les avait crée. Les marchands du temple sont en passe de gagner, le temple est devenu libre-service et la foi, qui résiste encore chez quelques inconditionnels persuadés que quelqu’un les regarde, vacille et chancelle. Les fastueuses mascarades de ses représentants de leur foi éclaboussent de leur quincailleries périmées et de leur credo squelettique, les souffrances de tous ceux qui ont mis leur espérances en ces valeurs dégénérées et surannées, et le fossé se creuse inexorablement entre ceux qui prient et qui souffrent et ceux qui paradent et philosophent …