UN DINER PRESQUE PARFAIT À NANCY ! V
Vendredi : Christophe, agent d’exploitation. Le roi de l’almanach Vermot, le dieu du calembour, l’empereur des rébus. Merde, ne prenez pas cet air bête, c’est vrai, putain !
Moto, bricolo, autodidacte, cuisinier contrarié. Rien qu’à penser à sa mémé qui lui a inspiré cette vocation non accomplie, ses yeux se remplissent de larmes. Ce soir, c’est une soirée bouleversante, psychologique, pathétique, sortez vos mouchoirs ! Mesdames et messieurs, nous allons atteindre le paroxysme de la métaphysique dans la télé réalité.
Chez le poissonnier qu’il a l’air de bien connaître, puisqu’il le tutoie, il achète une douzaine d’huitres. C’est bizarre le commerçant le vouvoie, bassesse d’un petit devant un maître queue ?
Ensuite, nous le retrouvons chez son fleuriste, je fais mon JPP, cela fera plaisir à ses fans, mais pardonnez moi Seigneur, j’avoue ma faiblesse envers ce petit boulot par quelques glams décrié. Artiste qui travaille ce que la nature a crée en lui rajoutant ce que son art a inventé.
Chez lui, avec ses chats. Chaises en fer forgé, grand salon aux canapés bleus, à moins que ce ne soit ma télé qui déconne. Sa salle de bain, avec une baignoire à bulles, sa chambre qu’il a faite, les meubles qu’il a retapés, ses objets qu’il a chinés. »
Çà c’est moi qui l’ai fait, et ça aussi, que je suis fort, que je sais tout faire, putain, ça me rappelle quelqu’un !
Grande cuisine avec un piano pas très académique, pour un cuisinier j’entends. Il sort sa mandoline magique pour peler les légumes, non je n’en dirais rien, et avec ce gadget extraordinaire il nous livre sa partition « j’aurais voulu être un artiste, faire la cuisine sur mon fourneau, comme mémé sur son réchaud, mais la vie est trop injuste et m’a privé de ce cadeau, alors comme un ouvrier je travaille, dans un salon de barbier, putain, même pas de Séville, mais je m’en fous j’suis un prolo ! »
Je ne sais pas si j’ai bien vu mais sur son pense bête était écrit « kelkes feuilles de salade » pas de commentaire !
La déco de table : sous l’assiette de chaque invité, la photo du bouquet qu’il lui avait apporté, merci le fleuriste, avec sa carte sûrement ! Assiettes blanches, pas de nappe, couverts à l’anglaise. Pour la voix off, ce ne sont pas des pétales de fleurs mais des fleurons de phalaenopsis, merde ! Une super composition feuilles de philodendron monstera, gossipium (coton), feuille d’aspidistra, branchages, décos de noël, et tillandsia tectorum et des avalanches (roses blanches). Le pain est en bout de table, en décoration, et à droite des assiettes (ça c’est très mal, merde, le pain on le met à gauche, j’ai l’air de quoi, moi, après à défendre les boulangers, si un mec y casse leur boulot, putain !)
Tous les invités arrivent en noir et blanc. On a frôlé l’incident diplomatique ! Imaginez un instant qu’il eut aimé le rouge et le blanc, avec caprin c’était fini, oui, je l’ai déjà faite, mais ‘haec decies repetita placebit !’ N’allez pas chercher une connotation sexuelle, je dis ça comme ça ? Puisque je sais qu’il n’y a pas que des footballeurs qui lisent, enfin, qui essayent !
Putain, ce soir Sébastien a fait un effort vestimentaire, ne manquait que la cravate à damiers !
Le chapeau de Marie-Pierre était posé sur la table basse, en face de la cheminée moderne, sur la quelle l’apéritif allait être servi.
Un mollusque dans la bouche ! C’est la dernière de l’inénarrable pompier qui se force pour avaler cette limace qui bouge encore. Cette pauvre bête recherche sa coquille désespérément. Où va-t-elle coucher ce soir ? Y avez-vous pensé, prédateurs infâmes, qui privez ces bestioles de leur abri nocturne. Que c’est triste une huitre qui crie dans le noir pour rechercher son gite, ô rage, ô désespoir ! Sortez vos pics pour les empaler, hôtes cyniques qui jouez du cure dent comme Christophe jouait de la mandoline, pour lacérer les aliments !
Et pendant qu’ils finissent leur punch à la mirabelle, sûrement celles que lui avait apportées Capri, il sort son tableau pour une animation jeux de mots laids qui font les gambettes. Oui je sais, mais ça vaut les siens !
« Je vais voir s’ils ont autant d’esprit que moi ! » putain, il ne se prend pas pour une merde, Christophe !
Ensuite des rebus malabar et jeux de mots carambar. On nage en plein dans l’amour des mots, dans la sémantique et la philologie, Christophe a trouvé la pierre philosophale qui permet d’épater Sébastien qui n’entrave déjà rien, mais qui là, en plus, y en perd le latin qu’il ne peut pas comprendre, puisqu’il ne savait même pas que les marennes étaient des huitres.
En entrée, nouveau jeu de mots à peine caché ; mi figue mi raisin. Sébastien n’y comprend toujours rien ! Capri n’est pas la dernière pour la déconne et pour faire des remarques et des réflexions.
Plat principal : médaillon de veau aux amandes. Christophe est décidément un gros sentimental, il a la larme facile. Il casse comme un malade, donne son avis et pleure comme une brelle.
Dessert. Sur une assiette blanche, une pyramide de framboises (d’hiver) ce sont les meilleures, elles viennent du Tanganyika ! À cette époque de l’année, c’est la grande migration. La framboise adulte quitte les grands plateaux africains pour venir se reposer en Espagne à l’ombre des corridas en fleurs. Dès qu’elle a franchi les colonnes, elle se croit en sécurité, grisée par cette fraicheur hivernale qui fait grossir son cœur et rougir sa peau, elle devient plus fragile et se laisse prendre par les Espagos .
Ce n’est pas la saison, les framboises espagnoles c’est de la merde, on vous l’a dit, il vous l’a répété, merde. Enfin il pouvait enlever le pain, quand même !
Une verrine contient du coulis de framboise. Et notre saint Christophe, pourfendeur du mensonge, ennemi de toute mystification, se la joue hypocrite en racontant l’histoire du coulis fait maison. Et lui de continuer, sans pleurer, l’histoire de ce coulis qu’il détenait peut-être de sa mémé ! Et moi pendant ce temps, je me demande toujours où est bien passé cette botte de gypsophile achetée chez son copain le fleuriste ! Capri aussi est en pleine médiation, aurait-il menti, le pépère ? « Ce coulis n’est pas trop sucré, il n’est pas maison ! »
Sébastien vient de comprendre que les chicons d’hier étaient en fait des endives, putain, il a la révélation !
Catherine fausse encore tout en donnant les meilleures notes (27) avec un 10 en cuisine.
Caprice ne donne que 17, c’est normal, n’avait-elle pas déclaré que Christophe voulait gagner, pourquoi, elle était venue en touriste ?
Marie Pierre a le mot de fin, elle trouve que dans sa décoration, il y avait trop de noir et pas assez de blanc.
Christophe gagne et le diner se termine par les pleurs de ce grand sentimental quand ça l’arrange !
Merde, et le gypso, il est où ?