I REMEMBER V

Je me revois encore : nous sommes le 31 décembre 1968, je rentre chez moi, il fait froid, je suis face à la vitre avant du bus qui m’amène à Ladbroke Grove, près de ‘Portobello’, et je me surprends en train de dire à mon copain que je ne pense plus jamais revenir en France ! moi qui ne pouvais pas vivre sans ma mer !

Je retourne voir ‘Hair’. Boggie des Canned Heat résonne à fond dans Carnaby Street qui a perdu un peu de sa splendeur, cette petite ruelle est moins fréquentée et moins typique, elle est maintenant envahie par des touristes qui lui enlèvent son authenticité. Toujours les Beatles, et toujours ‘Unchained Melody ‘ des Righteous Brothers.

J’ai changé de restaurant, avant j’étais en plein centre, juste à Piccadilly, maintenant je suis dans un autre à Soho. Le service du soir se termine à minuit pour que les employés aient le temps de prendre le dernier métro (pratiques ces Anglais !). Le temps de me changer, de traverser la rue et de descendre les quelques marches et me voila transformé en noctambule invétéré. Nous sommes la secte des français qui vivent à Londres, shetland de rigueur, tenue excentrique conseillée, cheveux longs, foulards colorés dispersés sur les pantalons serrés, lunettes noires facultatives. Nous évitons tout mélange avec les autres français qui viennent passer quelques jours, en touriste, pour tenter d’apprendre cette langue que nous commençons à dominer.

La nouvelle mode : tout le monde veut partir à Katmandou. Les nouveaux paradis artificiels, la mode des groupes pop, les gurus, que nous appelons coachs aujourd’hui, tentent de montrer une voie mystique pour atteindre la sérénité.

Je quitte Londres le lendemain du fameux concert d’hyde Park  du cinq juillet 1969. L’annonce de la mort de Brian Jones retrouvé mort dans sa piscine deux jours auparavant s’ajoute à la tristesse de ce départ.

Mes valises sont toujours pleines des J.Brown, Sam and Dave, W.Pickett, et de toutes les vedettes de ‘Stax’. Et surtout un Gene Pitney qui restera pratiquement inconnu chez nous !