UN DINER PRESQUE PARFAIT A DIJON ! V
Vendredi, Alice, assistante d'éducation, ah, on a pu voir, les soirées précédentes, qu'elle en avait, avec ses remarques assez cinglantes sur tout. Elle joue de la guitare et chante, si j'osais faire une remarque constructive, je dirais qu'il y a encore beaucoup de travail. Née en Corée et adoptée par une famille française, elle donne des cours de français aux primo arrivants coréens dont elle ne connait pas très bien la langue, comme on peut le voir sur sa présentation.
Invitation bourguignonne au pays du matin calme. C'est le titre de son menu, sans équivoque.
Chez elle. Une belle cuisine flambant neuve et très grand avec une cheminée, immense table qui sert de plan de travail, une autre ronde en chêne, putain, la maison, il y a aussi son ancienne cuisine également très grande, décrite comme vieille avec un vieux frigo, un four et seulement deux plaques, dont certains feraient un agréable salon, je parle de la surface, et, un salon à l'échelle des cuisines, cheminée comme dans presque toutes les pièces, poutres apparentes, plafond décoré de fresques, ciment teinté au sol, peu de meubles et une salle à manger, table de ferme d'au moins douze couverts, carrelage au sol.
Les courses. Je connais bien cette route des vins, toute givrée en cette période de l'année, de Dijon à Chalon sur Saône, en passant par Vougeot, Nuits saint Georges, Romanée et Beaune.
Elle a besoin de produits atypiques, enfin, c'est la voix off qui nous le déclare, donc elle entre dans un magasin atypique oriental pour acheter des produits atypiques orientaux qui iront très bien pour sa cuisine atypique coréenne, ce qui est tout à fait atypique pour une personne native de Corée. Elle achète donc des produits japonais. Le tsunami n'a pas encore fait déborder la centrale qui ne donne aucun souci aux japonais, elle peut donc cuisiner sans crainte ces produits qui ne contiennent que des pesticides chinois, des colorants industriels, des conservateurs aux origines vagues et indéfinies, des arômes frelatés et des apports plus ou moins illicites de plastique, mercure et autres produits que l'on peut retrouver dans les feux d'artifices bios, je déconne bien sûr....
En cuisine. Avec un ordinateur, ah, ça va être mieux. Elle nous sort un batteur des années quarante, comme elle dit, et fait la comparaison avec son ordi, qui, entre nous, ne bat pas les œufs aussi bien. Je note qu'elle fait beaucoup de courants d'air. Putain, ils ont toujours besoin de retourner les blancs, ils n'ont pas des yeux pour voir ? Elle sort ses onze meringues du four, mais en arrière plan, on peut voir une autre plaque avec d'autres meringues, mais aucune explication. Je note sa façon très rationnelle de doser la quantité d'eau nécessaire à la cuisson de son riz. Marrant. Mais, c'est le bordel en cuisine, il y en a de partout, et même par terre. Heureusement qu'elle a de grands plans de travail. Heureusement qu'elle nous parlait d'organisation, mais l'ordi ne peut pas travailler, c'est dommage. Elle se noie dans un verre d'eau ! Comparaison évidente avec Charlène qui était très méthodique et organisée. Aucun coup d'éponge, avant de préparer les desserts, on pousse avec la main et on continue. Visiblement elle fait tout à l'arrache. Ah, elle incorpore du jambon dans ses kim pap, au lieu du poisson, elle innove, elle invente.
Moi aussi j'invente des sandwiches tous les jours ; pain à pan bagnat, sanguins à l'huile, jambon coupé très très fin, reblochon et salade. Un petit dessert pour ceux qui n'ont pas de problème ; dans une grande coupe, sur un fond de génoise, placez une crème caramel entourée de boules de glace, plombière, malaga, de sorbet mangue, banane, citron et cerise. Saupoudrez d'une barquette de fraises, de la mara des bois, de préférence, une autre de framboise et facultativement de gariguettes. Coupez en rondelles deux bananes et une pomme en petits carrés. Arrosez copieusement de chocolat chaud. Disposez deux meringues pour la décoration, un peu de crème de marron et de la crème chantilly pour rendre cette œuvre présentable. Bien, à consommer avec un milk-shake....à la banane. Et voila ! J'ai créé ! Demain je vous en fais une autre en ajoutant une pêche. C'est bien sûr une recette d'été ! Je suis extraordinaire, une création par jour !
Décoration de table. Nappe taupe torero façon muleta, le tablier des matadors qui ne veulent pas être éclaboussé par le sang des taureaux lors de la faena. Un chemin de table blanc. Pourquoi toujours s'obstiner avec un chemin de table ? Nappe et napperon c'est plus classe. Assiette de présentation blanche avec le prénom des invités en coréen sur set en lamelles de bois marron taupe atypique. Et qu'elle court. Couverts et baguettes à droite. Verres mal placés. Mais il y a longtemps que les candidats ne font plus de remarque pour la place des couverts et des verres, ils font plus attention aux petits objets merdiques qui n'ont rien à faire sur des tables devenues des foutoirs immondes. Bougeoirs, tige de dendrobium blanche. Coin animation en bout de table. Déception ! Pas de quoi se noyer.
Elle descend avec un tee-shirt propre et la cuisine l'est aussi. La bonne a dû passer.
Ils arrivent. Vincent et Armelle, ils ont dû conclure. Romuald et Charlène les couples sont formés. Charlène offre une Cézanne pour Alice et pour Armelle, j'adore cette rose, je parle de la fleur, whaou.
Apéritif. Petites bouchées cor guignones. Bravo la future journaliste qui ne pense pas à la Corée. Sur la table de la cuisine, des escargots en raviole, des maki coréens.
Et l'autre qui balance son verre jusqu'à l'extase. Pas de serviette.
Elle raconte des passages de sa vie et Vincent nous fait remarquer qu'il est un être très sensible et qu'il a su se maîtriser pour ne pas pleurer. Quelle modestie ! Quel homme ! Quel cinéma !
Animation. Il n'y a plus d'animation sans déguisement. Cela devient incontournable. Séance folklorique. Mais elle les trouve mauvais musiciens. Le boucher est extra avec sa grosse baguette en train de faire joujou avec son tambour et Vincent qui caresse sa caisse frigide. Long !
A table. Les prénoms sur les assiettes, à découvrir avec un lexique rapide.
Entrée. Kimchi et tentacules royales. Personne ne remarque l'absence des tentacules. Choux radis et un crêpe avec de la seiche, épinards au sésame. Une salade mixte qu'on doit manger avec des baguettes. Aucune remarque sur la texture des épinards qui ont l'air assez 'élastiques'. Pas de quoi renverser le bol de blancs d'œufs sur un tiramisu.
Plat principal. Sonate de woks charolaise. Vermicelles chinois, carrés de charolais. En cuisine, pour la voir manier le wok, mais qui a tout nettoyé, et rangé ? Et encore un poêlon.
La viande est bouillie, Romuald se venge un peu, Alice avait cherché ce genre de remarque toute la semaine. Vincent reste un lèche cul enervant.
Dessert. Croquant de fraîcheur bourguignonne. Mille feuille meringue glace vanille puis cassis. Pain sur la table. La meringue est collante et Vincent qui lui trouve toujours des excuses.
Qui prend des laxatifs récolte la diarrhée.
Les notes. 19 pour Romuald. 22 pour les trois autres. Le 9 de Vincent en animation quoiqu'exagéré peut être compréhensible par une volonté de se faire bien voir.
Beaucoup de remarques, style je suis une pro, j'ai de l'expérience, de l'organisation avec mon ordi, et je casse à tour de bras et je fais des remontrances sur tout, qui l'ont sans doute desservis. Beaucoup de cinéma !
Ils sont plus indulgents qu'elle. Ce sont toujours les moins tolérants qui sont les plus chiants.
Charlène au bon esprit, est très gentille. Armelle toujours prête à faire plaisir, une orgie de truffes, il faut pouvoir se le permettre, mais il faut aussi avoir la gentillesse de le faire pour procurer du plaisir à des hôtes qui étaient des étrangers il y a seulement quelques jours.
Romuald gagne avec Armelle cette semaine bourguignonne gentillette. Le boucher est aussi sympathique, on l'a vu agacé par les remarques à répétition d'Alice, mais lors des notes il ne lui en a pas trop tenu rigueur.
Visiblement Alice a pris ses désirs pour la réalité, car certainement elle n'avait pas les moyens de son ambition culinaire. Ce n'était pas la peine de faire des remarques, faciles, à tout bout de champ, pour nous pondre un dîner assez quelconque. Il lui manquait peu de modestie et beaucoup de connaissance tant techniques que pratiques, car ce soir, elle a raté beaucoup de choses, même si c'était la première fois comme elle nous le disait sans nous convaincre. On comprend mieux tout le ridicule de ses réflexions et même ses remarques d'œnologue pipeau haut de gamme, alors qu'elle ne boit pas de vin, d'après ce que j'ai vu.
Vincent est le moins sympathique de la bande. Sous des allures d'homme calme et de compétiteur, je l'ai trouvé assez prétentieux. Celui qui nous disait avoir peu de compétences culinaires s'est transformé, au cours des soirées, en un critique gastronomique haut de gamme et même en un chef émérite n'hésitant pas à étaler ses rudiments en cuisine comme s'il était un grand chef, jugeant et donnant son avis avec une sureté quasi dogmatique et péremptoire qui est propre aux gens qui ne savent pas, comme par exemple en décryptant le menu 'asiatique' de Romuald.
Enfin, ce qui m'éclate, c'est toujours la fatigue constatée chez les hôtes qui viennent de préparer un repas pour cinq personnes, ils sont épuisés comme s'ils avaient fait un service dans un restaurant. Les bras m'en tombent comme me disait une fille de Milo, alors que nous avons l'habitude de recevoir souvent plus de dix personnes sans en éprouver la moindre fatigue !
Ah, mais c'est vrai, nous ne faisons pas des décorations débiles !
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)