LAZARE et CHANTAL
Défigurée, les yeux exorbités, les fosses nasales crevassées, elle souffre, elle demande la mort. Horrible requête. Chantal Sébire, 52 ans, ancienne professeur des écoles et mère de trois enfants de 29, 27 et 13 ans, souffre depuis près de huit ans d'une esthésioneuroblastome, une rarissime tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale, qui la défigure et provoque d'intenses souffrances.
Lazare Ponticelli vient de mourir. Dernier poilu, dernier survivant de ces 10 millions de soldats, envoyés se faire tuer lors de la première guerre mondiale.
Curieux parallèle entre cette femme qui demande sa fin de vie et cet homme qui a perdu vingt ans de la sienne et qui est resté marqué jusqu’à cent dix ans des traces de cette stupidité.
La juste mort demandée et cette vie terrible accordée.
Je ne peux m’empêcher de me souvenir de mon grand père qui me racontait sa guerre, toutes ses années passées, perdues, sa jeunesse volée, ses souffrances. Verdun, le chemin des Dames, il ne reste que sa médaille militaire, pieusement conservée, un numéro matricule et une vie gâchée.
Et cette femme qui demande, qui supplie qu’on abrège ses souffrances, qu’on lui ôte cette vie qui n’en est plus une.
Son avocat demande au juge d'autoriser le médecin de famille à "prescrire à Mme Sébire dix grammes de thiopental sodique, à se faire remettre cette substance dans la pharmacie de son choix, à la stocker et la remettre à Mme Sébire de telle sorte que cette dernière puisse l'absorber sous sa surveillance".
Qui sommes nous pour juger ? A-t-on demandé à tous ces hommes qu’on a envoyé à l’abattoir s’ils acceptaient cette sentence, s’ils étaient d’accord avec cette même loi qui les envoyait se faire tuer ? Des millions sont partis dans une certaine indifférence et une seule veut s’en aller que les passions sont déchainées.
Une seule liberté nous reste. Nous pauvres humains, venus sur ce monde pour je ne sais quelle obscure raison, la liberté de disposer de notre vie. Au-delà de toutes croyances, respectons la volonté d’une personne qui demande, qui supplie d’être écoutée. N’en déplaise à certain, la loi doit s’adapter à chaque cas particulier. En son âme et conscience elle a choisit. Respectons sa volonté, sa dernière liberté !
Et tous ces politiques toujours prêts à réclamer le sacrifice de cette vie au nom de motifs patriotiques. L’étendard ensanglanté de la patrie s’est abreuvé du sang d’innocents qui n’avaient rien demandé. La vie n’avait-elle pas la même valeur ?
Et la religion si prompte à sacraliser cette vie qui nous vient de son dieu, l’a-t-on entendu crier, manifester lorsqu’on a exterminé au nom d’une autre croyance,et,lorsqu’elle a massacré pour imposer son même dieu au nom d’une religion salvatrice ?
On peut prendre la vie, les raisons sacrées justifient ce qu’on appelle un sacrifice, mais si un humble être humain, au nom de la compassion demande à en être débarrassé alors, tout le monde en appelle à la loi, à dieu, à la liberté.
Si ce même dieu existe, et si un jour il me demande des comptes pourrais-je lui dire :
« Pourquoi nous-as-tu abandonné, oublié, sur ce monde que tu as créé ? »